Il y a un adage qui nous apprend qu’il ne faut jurer de rien. Le président Alpha Condé l’aura sans doute appris à ses dépens, lui qui avec la foi du charbonnier, ne cessait de répéter à l’envie qu’il n’y aura jamais de putschs en Guinée. C’était sans compter avec ses vieux démons qui ont la vie dure.
Pour une fois, le président Alpha Condé a été trahi par ses dons de prescience. L’homme s’était, en effet, cru mithridatiser contre les coups d’État.
Malheureusement, c’est comme si cette assurance du président avait fini par induire son armée en tentation.
Eric Zemmour, chroniqueur polémiste, ne dit-il pas je cite : « en politique il faut prévoir le pire pour que celui-ci ne se produise pas et se donner les moyens de le combattre».
Vu la célérité avec laquelle le pouvoir de Conakry s’est affalé, comme dans une blitzkrieg, on peut dire sans risque de se tromper que la conjoncture était en quelque sorte favorable pour le commandant de l’unité des forces spéciales et ses hommes. En clair, le ver était déjà dans le fruit.
Dans un contexte de troisième mandat, marqué par une atmosphère de ni guerre ni paix, doublée par une coagulation des crises sociopolitiques et des frustrations. Preuve que les stigmates sont loin de se refermer. Tout ce cocktail réuni a fini par avoir raison du règne du président Alpha Condé.
Une révolution de palais accueillie par une liesse populaire. Tant la volonté collective de changement se lisait chez les populations. Les slogans hostiles au pouvoir décadent, servis parfois à coups de lazzis démontrent à suffisance que la majorité des Guinéens avait soif de changement.
Une brèche dans laquelle le colonel Doumbouya, l’homme au nez creux, s’est engouffré. Pour prendre les choses en main.
Rien de surprenant pour un pays ayant une tradition des coups d’État. Car des précédents, il y en a eu.
On se souvient du coup de force perpétré par le colonel Lansana Conté le 03 avril 1984. Juste une semaine après la disparition de Sékou Touré. Bis repetita avec le capitaine Dadis Camara en décembre 2008. Qui avait profité du vide créé par le décès de Conté, pour s’emparer du pouvoir.
Des putschs qui ont laissé un arrière goût amer. Car si Conté s’est agrippé au pouvoir jusqu’au naufrage, Dadis lui, s’en est tiré avec les braies pas nettes. Ayant frôlé la mort, suite à une blessure au niveau de la tête, infligée par son aide de camp Aboubacar « Toumba » Diakité.
C’est après cette transition chaotique que le leader du RPG va parvenir aux affaires en 2010.
Un opposant historique dont le parcours élogieux avait séduit la communauté internationale. Un capital confiance dont il avait besoin pour asseoir son pouvoir dans un environnement parfois hostile.
L’occasion faisant le larron, Alpha Condé s’est donc permis de tripatouiller la constitution en vigueur pour briguer un troisième mandat. Résistant à toutes les objurgations, pour ce passage en force qui s’est soldé par de nombreuses victimes civiles.
Victime certainement de ce sentiment de toute-puissance ou syndrome d’hubris, détecté chez les hommes de pouvoir. Le stéréotype même du pouvoir personnel, dont l’épilogue s’est fait en queue de poisson.
Espérons que le colonel Mamadou Doumbouya, le nouvel homme fort, puisse en prendre de la graine, pour résister aux vertiges des cimes.
Mamadou Dian Baldé