La période de transition de 2008-2010 était censée permettre aux Guinéens de tirer les leçons d’un passé politique récent. La révision en 2001 de la constitution de 1990 ayant ouvert la voie à une présidence à vie pour le Général Lansana Conté entrait dans le cadre de passé peu glorieux de notre pays.
En adoptant une nouvelle constitution en 2010, le Conseil National de Transition (CNT) qui faisait office de parlement de transition, avait pris en compte les aspirations de l’écrasante des Guinéens. En effet, les consultations qui avaient été menées à l’époque par l’entreprise des organisations de la société civile avaient permis de relever que les citoyens de façon générale ne souhaitaient plus voir un président s’éterniser au pouvoir. Il fallait donc limiter le nombre de mandats pouvant être exercés par un président de République.
” En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non “ pouvait-on lire dans la constitution de mai 2010.
Une fois que cette constitution était entrée en vigueur, on pouvait donc dire raisonnablement que les effets dommageables de la révision constitutionnelle de 2001 ne risquaient plus de reproduire et que le débat sur cette question était définitivement clos.
Par voie de conséquence, nul ne pouvait plus revenir sur un principe qui était censé être acquis et intangible.
Qui pouvait donc imaginer que la remise en cause de ce principe viendrait de celui-là qui est considéré comme un combattant de la liberté et de la démocratie, en l’occurrence Monsieur Alpha Condé ? C’est à ce niveau que la responsabilité de ce dernier prend plus d’ampleur. Autrement dit, il est encore plus blâmable que ceux qui avaient initié la révision constitutionnelle de 2010 ayant abouti notamment à la suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Lui, il avait la réputation d’être un opposant historique dont les militants ont souffert le martyr sur le long et difficile chemin de la démocratisation de la Guinée. Il ne devait pas être par la suite le fossoyeur de l’un des acquis de la démocratie balbutiante en Guinée, celui de l’alternance par les urnes et non par les armes.
Il aurait dû être le meilleur défenseur de la liberté et de la démocratie en Guinée à travers les actes qu’ils pose dans l’exercice de ses fonctions. On peut dire aujourd’hui sans aucune exagération qu’il a trompé et trahi beaucoup de Guinéens. Encore une fois, son niveau de responsabilité est plus élevé car avec lui tout le monde avait pensé que rien ne serait plus comme avant. Mais sous ces deux mandats, la situation des droits et libertés des citoyens et l’état de la démocratie se sont révélés aussi mauvais sinon pire qu’avant.
Le seul vrai combat qui vaille aujourd’hui est de faire en sorte que cette fois-ci des actes forts soient posés de manière à ce l’on ne retombe plus dans la même situation. Mais cela ne peut pas de faire uniquement par l’adoption d’une nouvelle constitution ou d’autres textes juridiques et la mise en place d’institutions. Il faut en plus un véritable changement de mentalités et de pratiques. C’est peut-être là que réside le plus grand défi. Mais une chose doit être claire pour tout le monde : il n’y a pas de démocratie sans démocrate, sans esprit démocratique.
Me Mohamed Traoré
Ancien bâtonnier