Le président de la Transition a mis à profit la commémoration de l’an 63 de notre indépendance, pour décliner les grands axes de la feuille de route du Comité national du rassemblement pour le développement (Cnrd). Un discours à l’accent solennel et à l’allure de lame de fond, pour débarrasser la Guinée des scories des régimes précédents.
Depuis sa prise de pouvoir le 5 septembre dernier, le colonel Mamadi Doumbouya s’est imposé une cadence infernale, allant de concertations intenses avec les forces vives, aux visites de terrain. En passant par des recueillements. Le tout ponctué de discours prometteurs.
Le président de la Transition entend garder le pied au plancher, à la grande satisfaction des Guinéens. Car les défis sont dantesques sur ce vaste chantier herculéen.
Le remède devant être à la hauteur des maux qui rongent notre pays. Des maux qui vont du « dysfonctionnement des institutions constitutionnelles, à l’instrumentalisation de la justice, sans occulter les violations graves et répétées des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Ainsi qu’une politisation à outrance de l’Administration publique, la corruption généralisée, la gabegie financière et les détournements de deniers publics ».
Un chapelet déroulé, sous forme de diagnostic, par le colonel lui-même dans son discours du 02 octobre.
Comme le dit l’adage, « aux grands maux les grands remèdes ».
Pour remettre le pays d’aplomb, le chef de la junte mise sur « une refondation de l’État, la lutte contre la corruption, la réforme du système électoral, la refonte du fichier, l’organisation d’élections libres, crédibles, inclusives et transparentes ainsi que la Réconciliation nationale ».
Des axes prioritaires dont la Transition devra s’occuper. D’où ce grand chamboule-tout promis par le colonel.
Une lame de fond qui doit s’appuyer sur trois leviers énumérés, à savoir les droits de l’homme, la moralisation de l’administration publique, la réconciliation nationale.
Pour résoudre la quadrature du cercle, le casting gouvernemental sera déterminant. Avec un foudre de travail, désintéressé, et d’une probité antique comme Premier ministre. A la tête d’un gouvernement resserré. Même si cela est parfois plus facile à dire qu’à faire. Quand il s’agit de gouvernement d’union nationale (Gun), que bien d’opportunistes perçoivent comme un moyen pour se répartir les ressources du pays.
Une tentation à laquelle la junte ne devra nullement céder. Quand elle s’est engagée à sortir des sentiers battus. Pour ne pas rééditer ces politiques dignes de cautères sur jambe de bois, dans cette tour de Babel, où l’impunité était érigée en règle d’or. Sur fond d’une orgie dépensière. Les langues commencent d’ailleurs à se délier face à cette débauche d’argent public, depuis la chute du régime.
Et c’est le burkinabè Mamadou Bonkoungou, le PDG du groupe Ebomaf, qui a donné le ton. En réclamant une ardoise de 20 millions d’euros d’impayés à l’État guinéen, pour l’affrètement des avions de sa compagnie pour les voyages de l’ancien président.
Ce magnat, qui a ses ronds de serviettes dans les palais africains, d’ordinaire taiseux, est allé cette fois, sans filtre contre les autorités guinéennes, devant une brochette de journalistes, invités pour l’occasion à Ouagadougou.
Cette parenthèse en dit long sur l’héritage empoisonné légué par le régime défunt. D’où l’immensité de la tâche du Cnrd. Qui, avec l’âme chevillée au corps, pourra sortir la tête de l’eau.
Mamadou Dian Baldé