D’une sensibilité d’écorché vif, le gouvernement guinéen est prompt à grimper aux rideaux contre la mise au ban des ONG de défense des droits humains. Ce n’est donc pas surprenant que Conakry s’emporte contre le rapport assez détaillé et corrosif du Département d’État américain, qui épingle la Guinée sur les violations des droits humains.
Le Département D’État américain s’est donné le temps de réunir les éléments à charge contre le régime de Conakry, avant de rendre public ce rapport assez corrosif, paru le 30 mars, et dont la teneur porte essentiellement sur les violations des droits humains enregistrées en Guinée, en marge du chapelet d’élections, tenues en 2020. Ainsi Washington, sur la base de preuves documentées, a pu remuer la boue, déplorant les assassinats, enlèvements et autres séquestrations d’opposants au troisième mandat.
Ce rapport pointe du doigt la responsabilité des forces de sécurité dans de nombreux abus pendant les élections et durant les manifestations qui ont suivi le double scrutin législatif et référendaire du 22 mars. Ainsi que lors de la présidentielle du 18 octobre.
Des abus qui ont pour noms : « assassinats, y compris des exécutions extrajudiciaires perpétrées par le gouvernement ou en son nom ; des actes de torture et des cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants perpétrés par le gouvernement ou en son nom ; des arrestations ou des détentions arbitraires ; de graves problèmes d’indépendance du pouvoir judiciaire ».
Sans oublier les « sérieuses restrictions à la liberté d’expression et à la presse, notamment des violences, des menaces de violence, des arrestations injustifiées, la censure et l’existence de lois sur la diffamation criminelle », pour dissuader les professionnels des médias dans leur travail de collecte et de diffusion de l’information.
Le rapport déplore surtout l’impunité dont ont fait preuve les autorités, à l’endroit des représentants du gouvernement. Une manière de les enhardir dans leurs abus.
On en vient ensuite au bilan des victimes de la répression qui s’est abattue sur les « anti-troisième mandat », bilan chiffré à 99 personnes tuées par l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), parti politique d’opposition.
Le gouvernement a certes rejeté ce chiffre mais sans fournir pour autant sa propre estimation des meurtres commis par les forces de sécurité au cours de cette période.
Le Département d’État américain, après avoir dressé un tableau pas du tout reluisant sur la gestion de la crise engendrée par le fameux projet de présidence à vie, s’est aussi penché sur le massacre du 28 septembre, dont le procès tarde à se tenir.
Les autorités guinéennes ne faisant que reporter sine die les dates avancées pour la tenue de ce procès, au grand dam des victimes et leurs proches.
Comme si cela trahissait un manque de volonté de la part du gouvernement guinéen de faire la lumière sur ces tueries. Le maintien à leurs postes des officiers pourtant inculpés par les enquêteurs préoccupent Washington.
Ce rapport qui fait l’effet de douche froide pour Conakry, tombe à un moment où le président Alpha Condé tente de légitimer son quatrième mandat arraché au forceps, à coups de promesses lénifiantes.
Pour ne pas perdre davantage la face dans son bras de fer avec le FNDC, qui vient d’être conforté par ce rapport du Département d’État américain, le gouvernement aurait objecté la non-prise en compte de sa version. Une version qui ne serait pourtant disponible nulle part. Puisque les autorités guinéennes se contentent de réfuter toutes les allégations mettant en cause les forces de sécurité dans les tueries des manifestants. Une démarche qui frise le révisionnisme dans laquelle excellent aussi bien le président, mais aussi le Premier ministre et le ministre de la Sécurité et de la protection civile.
Au Dr Ibrahima Khalil KABA de se fondre dans ce moule de politique politicienne. Lui, l’universitaire, biberonné à la culture anglo-saxonne, pourrait se démener à ripoliner l’image de notre pays auprès de l’Oncle Sam. C’est pour ça qu’il aurait d’ailleurs été porté à la tête de la diplomatie guinéenne. Un pensum en soit.
Mais comme aime à le ressasser Alpha lui-même, on ne peut cacher le soleil avec une main. Après tous les Américains ne sont pas dupes.
Mamadou Dian Baldé de FIM FM