À l’occasion de son adresse à la Nation du vendredi, 31 décembre 2021, le Président de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, a annoncé l’organisation, dans le courant du mois de mars 2022, des assises nationales.
Cette initiative que plus d’un guinéen salue sera la bienvenue dans la mesure où elle permettra d’éclairer la lanterne de tous les guinéens sur le passé de notre pays depuis son accession à l’indépendance le 2 octobre 1958 jusqu’à nos jours.
Contrairement donc à ce que certains guinéens commencent déjà à bourdonner, cette occasion tant attendue par une bonne partie de l’opinion sera le moment où chacun, victime tout comme bourreau, aura la possibilité d’apporter des preuves de son innocence ou de ses accusations.
L’occasion est opportune d’autant plus que des témoins encore en vie, sont prêts à apporter leurs contributions nécessaires à la manifestation de la vérité.
L’État ne doit aucunement attendre que les témoins de ces événements qui divisent l’opinion guinéenne disparaissent les uns après les autres pour engager notre pays dans un processus d’assises nationales de réconciliation sans ces véritables témoins de notre histoire.
De toute évidence, les guinéens doivent se parler pour panser les plaies de notre pays. Tous ceux qui se sentent forts aujourd’hui de leurs affirmations, qui crient tout le temps haut et fort qu’il faut qu’on se dise la vérité avant toute réconciliation, ou qui sont soucieux de la cohésion sociale, doivent s’inscrire dans cette dynamique des nouvelles autorités guinéennes pour le triomphe de la vérité historique dans toutes ses apparences.
En effet, plus d’un demi-siècle après son accession à la souveraineté internationale, le peuple de Guinée reste encore divisé autour des questions mémorielles. Ces clivages s’expliquent par le fait qu’il n’y a jamais eu de débats sur ces différentes facettes de notre histoire commune qui ne cessent de couler d’encre et de salive.
C’est pourquoi justement cette période transitoire doit être mise à profit pour penser et panser définitivement les plaies. Cela permettra sans aucun doute de mettre fin aux délires, à la manipulation et déformation de notre passé.
Les nouvelles générations qui n’ont pas connu ces moments difficiles de notre histoire et qui représentent aujourd’hui un pourcentage très élevé de la population guinéenne doivent être informées de ce qui s’est passé, car le manque d’information créé souvent la confusion dans l’opinion. D’où l’obligation aujourd’hui pour l’Etat de permettre à ces générations d’être situées par rapport aux responsabilités des uns et des autres (qui a fait quoi, quand, où et comment ?) dans ce passé de notre pays dont certains ne présentent que les côtés et aspects négatifs sur le dos d’une seule partie.
L’organisation donc de ces journées ‘’vérité et pardon’’ permettront au vaillant peuple de Guinée de taire définitivement ces vains débats aux relents souvent ethniques autour de notre histoire commune, de tourner en un mot ces douloureuses pages ayant jalonné le parcours de notre patrimoine commun, afin de mieux se tourner vers l’avenir.
Une fois ces assises tenues, le Président qui sera élu au terme de la Transition se consacrera, au grand bénéfice de tous les guinéens, aux vraies questions de développement qui assaillent notre chère Nation. Il ne sera point confronté aux clivages que notre pays traverse actuellement au sujet des questions mémorielles.
À proprement parler, si les autorités actuelles de notre pays n’organisent pas ces assises, aucun Parti politique issu des élections ne pourra le faire du fait des clivages politiques et ethniques.
Par ailleurs, il serait important, avant l’organisation de ces journées de partage respectueux des mémoires et des souffrances, que nos autorités demandent à la France la déclassification de tous les dossiers relatifs aux complots que notre pays a connus de 1958 à 1984, et aux pages douloureuses de notre vécu commun. L’accès à ces documents couverts par le secret de la défense nationale française pourrait permettre la manifestation rapide de la vérité sur plusieurs zones d’ombre de notre histoire.
Bref, l’organisation de ces assises nationales sont une aubaine pour les guinéens de se parler, d’échanger dans leur différence, sans tabou et sans exclusive, sur leur vécu commun. Cela est extrêmement important et même indispensable pour l’avenir de la Guinée.
Sayon MARA, Juriste