Les détecteurs de métaux n’ont pu détecter ni la totalité des téléphones Android, ni l’immoralité qui caractérise les différents acteurs du système éducatif.
Les larmes du ministre Bano, ses multiples mises en garde et l’appui des centaines de cadres de l’enseignement supérieur n’ont également pas pu limiter les dégâts (fraudes massives et à grande échelle).
L’émoi et le désespoir sont lisibles sur les visages de tous les citoyens conscients du danger dévastateur qui nous guette.
L’opinion publique se demande, sans cesse, que faire pour éviter une catastrophe sans précédent pour notre pays. Les plus émotifs vont jusqu’à demander la « fermeture de l’école » pendant quelques années.
En ce qui nous concerne, nous tenterons de décliner, ci-après, quelques solutions rationnelles et idoines qui nous permettraient de soigner le mal à la racine :
I. Procéder à une purge systématique et méthodique des fossoyeurs de l’éducation guinéenne (réseaux mafieux).
Qu’on le dise ou non, l’école guinéenne est aujourd’hui prise en otage par des réseaux mafieux dont le seul et unique souci consiste à s’enrichir vachement et illicitement, surtout à l’occasion des examens nationaux. Ces réseaux sont constitués d’enseignants et de cadres véreux, de parents d’élèves inconscients, de fondateurs d’écoles sans scrupule, d’élèves sans souci et de groupuscules sans foi ni loi externes au système éducatif.
On sait également que beaucoup d’autres enseignants le sont devenus non pas par conviction ou compétence, mais, ‘’en attendant de trouver autre chose’’. N’étant dotés d’aucune éthique professionnelle, ils s’adonnent très facilement aux pratiques malsaines qui ternissent l’image de l’école guinéenne et la minent sans cesse comme des vermines.
Comme on l’a toujours dit : « n’enseigne pas qui le veut, mais qui le peut. ». L’enseignement est un « noble métier » dont la noblesse doit être préservée à tout prix ; c’est notre trésor commun et, l’avenir de la nation tout entière en dépend absolument.
Il serait donc, salutaire et salvateur de dénicher ces réseaux mafieux, de les juger et de les condamner conformément à la loi afin qu’ils servent d’exemple à l’instar du « procès des gangs » dont ont fait l’objet Mathias et compagnie dans les années 1996.
Sortons du cercle vicieux de la désolation perpétuelle et agissons pour éviter le péril. Le temps nous est compté.
Il existe bel et bien des stratégies efficaces pour opérer cette purge, mais, celles-là ne doivent, en aucun cas être divulguées à l’opinion publique et à la presse. Seuls les résultats devront être brandis aux yeux du monde. L’action parle plus que la parole. Nous sommes prêts à en parler à qui de droit le moment venu.
Parallèlement à l’opération de purge, il faudrait initier une vaste campagne de ‘’communication pour le changement de comportement’’ en milieu scolaire, notamment sur les conséquences nocives et dévastatrices de la fraude à l’école. Il faudra, à cet effet, impliquer les médias, les administrateurs territoriaux et élus locaux, les organisations de la société civile et les artistes. Cela, dans toutes les langues du pays. La moralisation peut également porter des fruits, parallèlement à la décantation. C’est une façon de manier le bâton et la carotte à la fois ou d’« avoir une main de fer dans un gant de velours ».
II. Mettre en place l’Office du Baccalauréat (OB)
La mise en place de l’office du baccalauréat est plus que jamais imminente. Le service national des examens et concours scolaires a montré toutes limites, les gestionnaires de ce service sont également impuissants, voire incompétents face à l’ampleur du mal qui continue à décrédibiliser les examens nationaux et, par ricochet, l’école guinéenne tout entière.
Quant à l’office du baccalauréat, il serait plus inclusif de l’ensemble des acteurs du système éducatif, plus efficace car doté de moyens (matériels, financiers et humains) conséquents et plus autonome.
Nous reprenons ici, textuellement, quelques motifs exposés par la commission nationale de réflexion sur l’éducation (CNRE) dans son rapport élaboré en 2017 :
Pour éviter les distorsions observées et crédibiliser le système éducatif de notre pays, la commission a retenu la nécessité de la mise en place d’une entité administrative autonome dans son fonctionnement et indépendante dans ses jugements sur le plan institutionnel afin qu’elle génère des résultats conformes aux efforts réels des élèves, de leurs parents et surtout du système éducatif. C’est l’Office du baccalauréat (OB).
Cet office, tel que proposé, est un organisme personnalisé conformément aux dispositions de la loi L/2001/029/AN du 31 Décembre 2001 relative aux principes de création d’organisation et de contrôle des structures des services publics. L’office du baccalauréat est également en charge d’organiser le BEPC et l’Examen d’Entrée en 7ème.
Pour ce faire, l’office du baccalauréat dispose d’un jury national qui assure la supervision et le contrôle des procédures. Ce jury national regroupe les principaux responsables des structures de formation des trois ministères en charge du système éducatif (le pré-universitaire et l’alphabétisation, l’enseignement technique et la formation professionnelle et l’enseignement supérieur et la recherche), du personnel en situation de classe et de la société civile. Pour éviter la sédentarisation et ces effets, les membres du jury national ont un mandat de deux ans non renouvelable. De par sa composition, l’office est le garant du respect des principes des règlements généraux des examens et concours scolaires.
De ce fait, l’office va engendrer une meilleure concertation entre les trois départements en alliant leurs objectifs tout en mettant l’accent sur la qualité indispensable à l’accès à l’enseignement supérieur, le baccalauréat étant, également, le premier diplôme de l’enseignement supérieur.
Selon toujours la CNRE, l’office du baccalauréat serait composé de l’ensemble des acteurs de l’éducation à savoir :
-des responsables des structures de formation des trois ministères en charge du système éducatif (le pré-universitaire et l’alphabétisation, l’enseignement technique et la formation professionnelle et l’enseignement supérieur et la recherche) ;
-des représentants du personnel en situation de classe ;
-des représentants de la société civile (syndicats, fédération de parents d’élèves et amis de l’école).
L’office comprendra les organes ci-après :
1. Le jury national du baccalauréat qui sera composé de 15 membres dont :
le directeur général de l’office du baccalauréat ;
trois (3) représentants du ministère chargé de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation :
• un représentant du cabinet ;
• un représentant de l’inspection générale ;
• un représentant de l’enseignement secondaire ;
trois (3) représentants du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique :
• un représentant du cabinet ;
• un représentant de la direction nationale de l’enseignement supérieur public ;
• un représentant de la conférence des recteurs et des directeurs généraux ;
trois (3) représentants du ministère chargé de l’enseignement technique et de la formation professionnelle :
• un représentant du cabinet ;
• un représentant de l’inspecteur général ;
• un représentant de la direction nationale de l’enseignement professionnel et technique public ;
deux représentants des enseignants titulaires dans une classe d’examen ;
un représentant de chef d’établissement ;
un représentant des syndicats du monde de l’éducation ;
un représentant de la Fédération guinéenne des parents et amis de l’école, FEGUIPAE.
Les membres du jury national auront un mandat de 2 ans non renouvelables.
2. La direction générale : Elle comprendra un Directeur Général (DG) et un Directeur Général Adjoint (DGA) dont le rôle est : diriger, coordonner, animer et contrôler l’ensemble des activités de l’office.
3. Les services d’appui administratifs et scientifiques communs qui seront définis par un arrêté ministériel.
D’après la CNRE, l’office du baccalauréat sera chargé de :
préparer les examens nationaux du secondaire au niveau de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation ;
concevoir des normes et la réglementation en matière de préparation et d’organisation du baccalauréat et des autres diplômes ;
définir les rôles et responsabilités des différents intervenants aux examens ;
assurer la gestion informatisée des inscriptions et des résultats des candidats ;
organiser matériellement le choix des épreuves ;
concevoir et mettre en œuvre un plan directeur de circulation des épreuves et des copies ;
promouvoir des innovations dans le processus d’évaluation à l’aide des TIC ;
veiller au respect de la déontologie et de l’éthique dans le processus des évaluations;
procéder à l’analyse et à l’interprétation des résultats des candidats après chaque session ;
appliquer les règles et les mécanismes de délibération et de proclamation des résultats ;
instituer une commission de contrôle de la qualité des résultats ;
concevoir les diplômes en relation étroite avec la tutelle ;
définir un mécanisme opérationnel de sécurisation des diplômes et épreuves ;
percevoir les frais d’inscription des candidats « libres » et des frais de légalisation des copies de diplômes ;
assainir, stabiliser et sauvegarder les données statistiques liées aux examens ;
constituer une banque de sujets des examens nationaux ;
produire des annales des examens nationaux à partir des épreuves des sessions antérieures ;
mener des travaux de recherche et de prospective sur les examens dont il a la charge ;
collaborer avec les organismes similaires à l’étranger.
III. Élaborer le ‘’socle commun de compétences, de connaissances et de culture’’ pour les 10 années de scolarité obligatoire (élémentaire, collège, lycée)
« Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture présente ce que tout élève doit savoir et maîtriser à 16 ans. Il rassemble l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d’individu et de futur citoyen. »
Source : Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture | Ministère de l’Éducation Nationale de la Jeunesse et des Sports
Le socle commun s’organise, dans le cas français, en sept compétences que nous pourrions adapter à nos réalités et nos aspirations. Et, chacune d’elles regorge des connaissances, des capacités et des attitudes à développer. Ce sont :
1. La maîtrise de la langue française
2. La pratique d’une langue vivante étrangère
3. Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique
4. La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication
5. La culture humaniste
6. Les compétences sociales et civiques
7. L’autonomie et l’initiative
Maîtriser le socle commun, c’est être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à l’école puis dans sa vie ; c’est posséder un outil indispensable pour continuer à se former tout au long de la vie afin de prendre part aux évolutions de la société ; c’est être en mesure de comprendre les grands défis de l’humanité, la diversité des cultures et l’universalité des droits de l’homme, la nécessité du développement et les exigences de la protection de la planète … Chaque grande compétence du socle est conçue comme une combinaison de connaissances fondamentales pour notre temps, de capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées, mais aussi d’attitudes indispensables tout au long de la vie, comme l’ouverture aux autres, le goût pour la recherche de la vérité, le respect de soi et d’autrui, la curiosité et la créativité.
Le socle commun s’acquiert progressivement de l’école maternelle à la fin de la scolarité obligatoire. Chaque compétence qui le constitue requiert la contribution de plusieurs disciplines et, réciproquement, une discipline contribue à l’acquisition de plusieurs compétences.
À l’école et au collège, tous les enseignements et toutes les disciplines ont un rôle à jouer dans l’acquisition du socle. Dans ce cadre, les pratiques scolaires artistiques, culturelles et sportives y contribuent pleinement.
L’exigence de contenu du socle commun est indissociable d’une exigence d’évaluation. Des paliers intermédiaires, adaptés aux rythmes d’apprentissage définis par les cycles, sont déterminés dans la maîtrise du socle.
Des outils d’évaluation, correspondant notamment aux exigences des différents paliers de maîtrise du socle commun, sont mis à la disposition des enseignants.
Un livret personnel permettra à l’élève, à sa famille et aux enseignants de suivre l’acquisition progressive des compétences.
Afin de prendre en compte les différents rythmes d’acquisition, les écoles et les collèges organiseront un accompagnement adapté : études surveillées, tutorat, accès aux livres, à la culture et à internet.
Les élèves qui manifestent des besoins particuliers quant aux acquisitions nécessaires à chaque palier se voient proposer un programme personnalisé de réussite éducative.
Extrait du bulletin officiel [B.O.] n° 29 du 20 juillet 2006 du ministère de l’éducation nationale française
Dans le contexte guinéen, il serait ainsi question de :
Remplacer les livrets scolaires actuels par les livrets personnels de compétences (LPC) ;
Former les enseignants aux pédagogies actives et aux TICE ;
Doter les établissements scolaires de bibliothèques, laboratoires, matériels pédagogiques divers et de matériels informatiques ;
Changer ou améliorer les modes d’évaluation qui seront beaucoup plus axés sur la mesure des compétences, non la capacité de mémorisation temporaire de connaissances théoriques sans aucun lendemain ;
Faire preuve de rigueur absolue lors des évaluations internes ;
Limiter considérablement la course effrénée aux notes et à l’admission à tout prix au dépend du travail acharné pour l’acquisition de compétences.
En raison de l’« urgence », il ne nous reste qu’une seule et unique chose à faire : AGIR.
L’avenir de l’école guinéenne et de notre chère nation, la Guinée, en dépendent absolument. Comme l’a indiqué Joseph KI-ZERBO, nous devons « éduquer ou périr ».
Aboubacar Mandela CAMARA
Sociologue/Enseignant-Chercheur
Consultant en éducation/Auteur