Avec Wathi, deux actualités cette semaine en Guinée et au Burkina Faso, deux pays en transition dirigés par des militaires. Et une forme de sidération en raison de la banalisation de la violence et du mépris de la justice.
Difficile de rester mesuré lorsqu’on voit un pays comme la Guinée tourner en rond depuis au moins deux décennies, avec des cycles politiques marqués par une constante : la brutalité des forces de sécurité à l’égard des civils avec plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés sous les militaires Lansana Conté et Moussa Dadis Camara comme sous le président civil Alpha Condé. Sous le colonel Mamady Doumbouya, qui a renversé son mentor, Alpha Condé, la période des espoirs de changement dans le rapport entre les gouvernants et les citoyens est déjà bien révolue.
Les images de l’arrestation violente de trois responsables du FNDC, le Front national pour la défense de la Constitution, le 5 juillet, se passent de longs commentaires. Rien ne peut justifier que des policiers donnent des coups et traînent au sol des acteurs d’un mouvement citoyen alors qu’ils venaient de commencer une conférence de presse. Arrêtés et placés en détention, les responsables du FNDC ont comparu hier vendredi devant la justice guinéenne, accusés d’outrage à magistrat et d’injures publiques. Ils ont été acquittés et remis en liberté à l’issue du procès. Mais ce jugement ne change rien au caractère inacceptable de la brutalité des forces de sécurité et sur ce que cela indique sur l’orientation du régime de transition en place à Conakry.
RFI : vous dites que comme pour les précédents régimes, l’option choisie par la junte est celle de faire taire toutes les voix contestataires…
Il s’agit de montrer à tous ceux qui ne veulent pas s’aligner sur les positions et les intérêts des hommes forts actuels de Conakry qu’ils peuvent être bastonnés au vu et au su de tout le monde, en présence des caméras des journalistes venus à une conférence de presse et qu’ils peuvent être écroués et passer des jours, ou des mois en détention dans des conditions abjectes.
Le Front national pour la défense de la Constitution est un des rares mouvements qui est resté constant dans sa lutte depuis sa création justifiée par l’opposition au forcing constitutionnel d’Alpha Condé pour rester au pouvoir après ses deux mandats. S’il n’y avait pas eu ce troisième mandat, la Guinée ne serait très probablement pas dans sa situation actuelle, celle d’une transition dont certains des animateurs étaient publiquement des défenseurs de la manipulation constitutionnelle du président déchu.
Ce que j’ai vu en Guinée depuis la fin des années Conté, ce sont les changements, toute honte bue, de casquettes, de vestes, de discours de la part d’acteurs politiques et de la société civile, renonçant à tous les principes face à l’opportunité de profiter eux aussi pendant un an, deux ans ou juste quelques mois des privilèges matériels auxquels donne accès le soutien actif au pouvoir en place. Tous ceux qui résistent à l’instar desartistes qui ne courent pas derrière des nominations ou des marchés publics, agacent et peuvent se faire malmener.
Vous faites aussi un lien avec l’actualité au Burkina Faso dominée par le retour pendant quelques jours de l’ancien président Blaise Compaoré dans son pays malgré sa condamnation à perpétuité par la justice et sur invitation des autorités de transition à une réunion d’anciens chefs d’État. Quel est ce lien ?
Le lien, c’est la négation désormais flagrante et assumée de tout principe, de toute limite dans les abus de pouvoir. On ne fait même plus semblant de croire à quelques principes et aux symboles. Le lien, c’est aussi ce que cela ouvre comme perspective en Guinée comme au Burkina Faso : si ceux qui gouvernent et ceux qui les soutiennent continuent à nourrir l’injustice et l’impunité, à accepter qu’on tabasse à l’envi des citoyens non armés, à obstruer l’avenir des jeunes, faut-il s’attendre à plus ou à moins de violence et de désordre dans les mois et les années à venir ?
source: rfi.fr