Les chefs de l’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), accueillis ce jeudi, par le président en exercice de l’organisation, le Ghanéen, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, étaient encore au chevet de la Guinée, 12 jours après le coup d’Etat qui a déposé leur ancien homologue, Alpha Condé. Entre une nouvelle condamnation du putsch militaire et la prise de sanctions ciblées contre les nouveaux maîtres en kaki de Conakry, les têtes couronnées de l’Afrique de l’ouest, ont exigé «la libération immédiate et sans condition du Président Alpha Condé».
Pourtant, Alpha Condé a bel et bien été libéré des chaînes du troisième mandat qui n’apporte que malheur, à court ou à long terme, à ceux qui tombent sous son charme. Même s’il refuse de signer sa démission, l’opposant qui est entré par effraction à la présidence avant d’en être éjecté sans surprise, doit se réjouir d’avoir été sauvé par des putschistes qui ont fini par mettre fin à ses exactions contre le peuple et l’opposition, dérives que lui-même dénonçait à cette époque où il était le poil à gratter des dirigeants qui se sont succédé à la tête de la Guinée.
Si la CEDEAO a fait un effort de taille en s’empêchant de soumettre le peuple de Guinée, heureux d’avoir été délivré de son bourreau, à l’embargo, sa sanction favorite, elle a tout de même opté pour des sanctions ciblées «impliquant l’interdiction de voyage des membres du CNRD ainsi que des membres de leur famille et le gel de leurs avoirs financiers». En reconnaissant à la CEDEAO son droit de punir les auteurs de la prise de pouvoir par les armes, on est également en droit de lui reprocher de ne pas avoir pris les mêmes sanctions contre celui qui a charcuté la Loi fondamentale de son pays pour aller, marchant sur les cadavres de ses concitoyens, au troisième mandat, boulevard royal vers la présidence à vie.
Comment la CEDEAO a-t-elle retrouvé cette voix martiale de censeur suite au putsch militaire, elle qui est demeurée atone et aphone devant un coup d’État constitutionnel qui a fait autant de morts? Mais comme le ridicule ne tue pas, ceux qui nous gouvernent sont sortis subitement de l’habituelle torpeur qui les caractérise quand un des leurs prend pour modèle de gouvernance la…mal gouvernance, pour demander une transition de six mois en Guinée. Pourtant, au Mali voisin, le colonel Assimi Goïta et les siens, qui avaient un dodeline nettement plus long, ne sont visiblement pas en mesure de respecter les injonctions de la communauté internationale qui a fixé l’organisation des élections pour février 2022.
Le message adressé au lieutenant-colonel Mamady Doumbouya et ses hommes est de fermeté. Certes! Mais sans leur accorder naïvement la bonne foi, car un putschiste reste un putschiste qui cherchera toujours à s’accrocher au pouvoir, il faut saluer l’initiative des militaires d’avoir guéri la Guinée du variant Alpha, et surtout celle du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) de convier à la même table, «les forces vives» de la nation, pour écouter leurs préoccupations et tracer les sillons de la transition qui devrait ramener l’ordre constitutionnel dans un pays où la constitution avait été violée sans autre forme de procès, pour perpétuer un régime de fer.
Le CNRD, sommé par la CEDEAO, celle des dirigeants et pas celle des peuples, doit intégrer cette donne essentielle: le pouvoir se conquiert par les urnes et est géré dans l’intérêt du peuple. Les membres du CNRD, désormais sous sanctions, le savaient peut-être, mais la délégation de chefs de l’État, attendue, en principe, ce vendredi à Conakry, se fera le plaisir et l’obligation de le leur rappeler.
En tout cas, en attendant un autre cas de pays démocratiquement malade sur les bras, dans une Afrique qui vit, malheureusement, une famine vaccinale alors que le Covid-19 y opère un retour en force, la CEDEAO se démène avec les patients malien et guinéen. C’est devenu plus qu’une évidence, la CEDEAO confrontée à une crise profonde de crédibilité, doit changer le fusil d’épaule, pour retrouver la confiance des peuples. Ce sera sa seule chance de survie, pour ne pas dire de résurrection!
Par Wakat Séra