Sommes nous dans la transition ou dans la refondation ? La question mérite d’être posée pour éclairer l’opinion publique, tant les débats sont tendus autour des actes de gouvernance du CNRD, lesquels sont sujets à des interprétations diverses devenant de facto pour les uns et les autres un indice de détermination de la durée de la junte militaire.
Qu’est-ce que la refondation ? Que signifie la transition ?
En effet, la refondation c’est l’acte de reprendre une fondation mal conçue, dégradée ou détruite et dont la durée est généralement longue et indéterminée.
S’agissant de la transition, elle se définit comme étant un changement systémique dont la durée est relativement courte, préparant à l’avènement d’un nouvel ordre politique ou à la restauration de l’ordre démocratique ancien interrompu.
En conséquence, la différence entre les deux notions est que l’une (la refondation) est longue et l’autre (la transition) est courte).
Mieux, la transition est éminemment politique, alors que la refondation n’est pas que politique. Elle est sociale, économique, culturelle, diplomatique….
En guise d’illustration, en 1984, l’arrivée de Lansana Conté et du CMRN au pouvoir avait été perçue comme une transition qui a pourtant duré neuf (9) ans, jusqu’aux premières élections en 1993.
En réalité, il s’agissait d’une refondation de l’État consacrée dans le discours-programme du 22 décembre 1985 qui a fixé le cap et amorcé un nouveau virage avec entre autres réformes la suppression du syli comme monnaie nationale, la libéralisation de l’économie, l’instauration du multipartisme intégral, les reformes de l’éducation, de la justice… Même si cette refondation n’a pas été un succès avec la liquidation de la compagnie nationale Air Guinée, du tissus industriel guinéen avec la fermeture des sociétés et entreprises publiques provoquant des départs dits volontaires et massifs des fonctionnaires à la retraite anticipée; la disparition du chemin de fer guinéen, la gestion calamiteuse des mines…
Ceci dit, en prenant les rênes du pays le dimanche 05 septembre 2021, le colonel-Président Mamadi Doumbouya et le CNRD ont annoncé la refondation de l’État et non la transition en déclinant une série de programmes, c’est-à-dire la rectification institutionnelle, constitutionnelle, le redressement économique, industriel, les reformes judiciaires, minières, agricoles, la réhabilitation des transports, des routes nationales, la gestion judicieuse du foncier avec la récupération des domaines bâtis et non bâtis de l’État. Bref, on est en plein dans la restauration de l’autorité bafouée et affaiblie de l’État. Ça s’appelle la refondation et non la transition.
Ainsi donc, si les autorités de Conakry parlent de transition par lapsus, les faits montrent et démontrent qu’on se trouve dans la refondation et qu’à ce niveau, une certaine opinion publique et une partie de la communauté internationale devraient intégrer cette réalité, revoir sa position et sa communication qui sont en décalage avec la vision du colonel-Président Mamadi Doumbouya et du CNRD. Pourtant et à maintes reprises, sans le risque de me tromper, le CNRD a martelé sans cesse que le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée est subordonné à l’exécution des dix points du chronogramme.
De ce point de vue, y a-t-il meilleure manière, méthode plus efficace, communication plus adroite de savoir qu’on est dans la refondation et non dans la transition ?
Enfin et sans subterfuge, parlant de la refondation, il n’y a aucune ambiguïté, ni aucune équivoque, encore moins aucune confusion dans le discours du colonel-Président Mamadi Doumbouya et dans les discours des autres acteurs du CNRD. En un mot, le discours n’a jamais varié.
A Conakry et dans l’arrière-pays, la refondation est en marche. Ça se sent et ressent. Tant mieux pour la Guinée.
« Il n’y a rien de grand, sans de grands sacrifices », disait l’autre.
A bon entendeur, salut!
Paul Moussa Diawara
Membre fondateur du Cercle de Réflexion et d’Actions Stratégiques (CRAS)