Notre parti, le Parti de la Révolution Populaire Africaine de Guinée (PRPAG) reste perplexe ou confus sur cette question. En effet, il devient une tradition pour la CEDEAO, d’une part, de déclencher un train de mesures draconiennes contre les pays qui enregistrent un coup-d ‘État, et d’autre part, d’imposer le délai de deux ans à ces pays pour ce qu’elle appelle le retour à l’ordre constitutionnel et ce retour doit marquer la fin du pouvoir des auteurs du coup d’État.
Ce délai de deux ans est appelé « transition ».
Nous pensons, qu’à l’évidence même, cette position de la CEDEAO est loin de permettre la solution des problèmes qui, de façon générale, provoquent les coups-d ‘État. Ces problèmes se cristallisent dans la mauvaise gouvernance par la gabegie, par la pratique de l’injustice à travers le favoritisme, l’ethnocentrisme, le népotisme, le clientélisme etc.
En quoi l’organisation d’élections est-elle la solution à cette situation ? Cette même situation est-elle la seule conséquence de consultations électorales ?
La CEDEAO semble oublier que les élections multipartites ont toujours été de grands moments de vives tensions, et même de violences meurtrières par l’approfondissement des fléaux de l’ethnocentrisme et de la haine. Depuis l’avènement dans nos pays de la démocratie à l’occidentale ou du multipartisme, quelle est la seule élection qui n’a pas entraîné de graves troubles avant, pendant, et après les opérations de vote ? On peut ainsi dire que l’élection, loin d’être la solution aux problèmes qui ont suscité le coup d‘Etat, est plutôt l’aggravation de ces mêmes problèmes. Dans notre pays, les élections n’ont-elles pas approfondi, chaque fois, la division de l’ethnocentrisme ?
En plus de sa méprise sur la solution des problèmes qui ont entrainé les derniers coups-d ‘État dans sa zone géographique, nous reprochons à la CEDEAO une idée préconçue ou un préjugé.
Ce préjugé semble être le fondement de son appréciation des coups d’État militaires. Précisément, ce préjugé est que la CEDEAO considère que seuls les civils peuvent bien gouverner un pays ou exercer le pouvoir d’Etat au mieux des intérêts des peuples.
L’histoire, elle-même, porte un démenti cinglant à cette idée. Le Ghana de Jerry Rowling, le Burkina-Faso de Thomas Sankara , le Niger de Seny Kountié,le Rwanda actuel de Paul Kagamé, pour ne citer que ceux-ci ne sont-ils pas ce démenti ?Et peut-on passer sous silence ici des noms comme ceux du Marechal Josip Broz tito de la Yougoslavie, du Général Charles De Gaulle de la France ? Plus d’un demi-siècle après sa mort, le Général De Gaulle continue à être un modèle de patriotisme et de grandeur aux yeux des peuples, particulièrement, à ceux du peuple français.
C’est pour dire que les qualités d’abnégation, de désintéressement, d’honnêteté, de droiture, d’esprit de sacrifice qui assurent la bonne gouvernance ne sont pas l’apanage des seuls civils.
Autant il y a des honnêtes gens parmi les civils autant il y’en a parmi les militaires qui, au départ, étaient des civils et qui, à la retraite, redeviennent des civils. Dans tous les cas le statut social de l’homme ne peut être un indice sérieux de sa moralité.
Nous estimons que dans sa philosophie générale la CEDEAO doit s’affranchir des idées toutes faites pour épouser le réalisme en soumettant les idées à la réalité, en ne faisant pas le contraire qui est de soumettre la réalité aux idées.
Simplement dit, il ne faut pas que la CEDEAO, mécaniquement, applique chaque fois ses principes au mépris des réalités qui ont suscité le coup d’État. Il y a des coups d’État qui libèrent les peuples de la corruption, de l’injustice, de l’insécurité, en un mot, de la misère.
En ne reconnaissant pas les coups d’État de ce genre la CEDEAO s’attire le soupçon et l’accusation de la complicité dans les crimes du gouvernement victime du putsch militaire.
Mais la CEDEAO peut-elle réussir cette mutation ? Sous le prétexte de sauver les peuples de la dictature, cessera-t-elle de vouloir punir les auteurs des coups d’Etat qui sont dans certains cas de vrais sauveurs de la Nation et de ses citoyens ?
Au PRPAG cette question nous inspire plutôt le pessimisme, autrement dit, nous avons le sentiment, en nous fondant sur l’expérience des cinq dernières années, que la CEDEAO n’hésitera jamais de prendre contre les coups d’État des mesures qui, en réalité, ne font qu’en ajouter aux maux qui les ont causés. En fait ces mesures se révèlent être un chantage contre les autorités en place pour les amener à se plier à des ordres qui, nous le redisons, ne feront jamais qu’approfondir la misère du peuple.
On peut se poser ici la question de savoir quel est l’attachement à la démocratie qui poussera l’Union Européenne à imposer des élections à l’Ukraine avant la fin de la guerre qu’elle vit même, dans le cas où le mandat électoral de ses dirigeants actuels arrivait à expiration ?
Donc à nos peuples de comprendre la diversion ou le subterfuge de la CEDEAO pour soutenir de toute leur force et par tous les moyens des autorités sincèrement et conséquemment engagées dans la réparation des crimes socio-économiques commis par des civils prétendus démocratiquement élus. Soit dit en passant, certains auteurs de ces crimes socio-économiques sont des politiciens qui animent leur parti politique à partir des biens volés à l’État où au peuple. C’est pour tromper sur cette spoliation que lesdits politiciens cultivent la division par l’incitation à la haine et à l’ethnocentrisme.
Par ailleurs, ces mêmes crimes socio-économiques auront-ils été commis seulement en deux ans pour être jugulés et déracinés en seulement deux ans ? Nos peuples savent parfaitement que la liberté coûte cher.
Aussi, ne reculeront-ils devant aucun sacrifice pour leur liberté, leur dignité, leur honneur, leur grandeur comme le leur enseignent leurs illustres enfants, entre autres : Pr Joseph ki-zerbo, Thomas Sankara du Burkina, Aminata Dramane Traoré, Modibo Keita du Mali, Mafory Bangoura, Ahmed Sekou Touré, Saïfoulaye Diallo, Lansana Béavogui de la Guinée.
Pour conclure nous rappelons la pensée suivante du Pr Joseph ki-zerbo exprimée en Bambara, citation : « An lara , An sara » en Français, cette pensée peut se traduire par « Couchés, nous sommes morts ».
Ici on peut avoir une idée de la condamnation de l’histoire des hommes qui font coucher leur peuple en conséquence de leur aliénation aux valeurs de l’Occident ?
Pour le dernier mot, nous rappelons, en le soulignant, qu’au Moyen Age le Burkina, la Guinée et le Mali ont fait partie d’un vaste empire dont l’hymne était : « Plutôt la mort que la honte »
Prêt pour la Révolution
Le Secrétaire National
Ismaël Condé.