À chacune des levées du soleil depuis le 05 septembre 2021, comme au rythme des pas cadencés du Commandant des Forces Spéciales et de ses hommes lors de l’impressionnant défilé du 02 octobre 2018 au stade du 28 septembre dans le cadre de la commémoration de l’an 60 de la République de Guinée, le tombeur du Président Alpha Condé démolit, à l’allure qu’il s’est choisie, les racines et branches du régime de ce dernier.
Sans bruits ni la moindre fuite, le Colonel Mamadi Doumbouya, impassiblement mais tenacement, brise, les uns après les autres, les ressorts du défunt régime de l’ancien Président.
Même si certains analystes avisés ont réussi à percer la signification ou la portée politique des premiers mouvements et gestes du chef de la junte, notamment la visite de courtoisie rendue au Kuntigui de la Basse Guinée, Elhadj Sèkhouna Soumah, l’un des farouches adversaires du 3ème mandat et le recueillement au Cimetière de Bambeto où reposent des opposants manifestants contre le projet de modification constitutionnelle, peu sont les observateurs qui pouvaient prédire cette disposition personnelle du Président de la Transition de vouloir aller aussi loin en profondeur non seulement dans le démantèlement du système Alpha Condé mais aussi et surtout dans la refondation de l’état.
Il est vrai que la déclaration de prise du pouvoir effectuée depuis l’espace attenant à l’ancien bureau du Président renversé au Palais présidentiel SEKHOUTOUREAH était un sévère réquisitoire contre le régime déchu.
Il est également vrai, cause à effet, que le Président du CNRD s’était prononcé contre le recyclage des hauts cadres aussi dignitaires que le Président Alpha Condé et ses ministres du régime abattu, incriminé et voué aux gémonies. Mais, dans un pays où le discours officiel a rarement été un sacerdoce depuis longtemps, où il n’engage que celui ou ceux qui l’écoutent, il était pratiquement difficile sinon impossible au commun du Guinéen de s’attendre à autre chose que la répétition de l’histoire.
Plus de 2 mois après son avènement au pouvoir, est entrain de démentir ce constat sur les dirigeants et se montre plus que jamais Homme de toutes les ruptures dans la forme et dans le fond.
En effet, la structure du Gouvernement avec la création de vastes départements ministériels marque une nette démarcation d’avec son prédécesseur et de tous ces Présidents, pris dans la tenaille des calculs politiciens, ont voulu satisfaire tout le monde au détriment de la réalité et des possibilités budgétaires de leurs pays en créant d’innombrables portefeuilles dont beaucoup étaient insignifiants.
Dans le fond, même si le choix de certains ministres n’est pas sans critiques ou réserves, il est évident que sa toute première équipe, dans laquelle on ne retrouve aucun ancien nom aussi loin qu’on remonte dans l’histoire des Gouvernements de la Guinée, répond à la logique de rupture avec le système ou les systèmes qui ont précédé le sien. L’un des actes notables de la rupture assumée par le Colonel Doumbouya est sans doute la nomination de Ousmane Gaoual Diallo à la tête d’un département ministériel ( Urbanisme et Habitat).
En transférant ce « disciple » de Porthos Abdoulaye Diallo du Mithard à l’intérieur d’un des Palais transitionnels, le nouvel Homme fort Guinéen ne fait pas que réhabiliter un opposant au régime défunt, mais il s’émancipe également des partis politiques notamment de l’UFDG de Cellou Dalein Diallo dont il n’a pas eu besoin de l’avis pour promouvoir un cadre Guinéen bénéficiant de sa confiance.
Comme pour Ousmane Gaoual ( dont le destin est une autre leçon de la vie ou de la politique), le même raisonnement et les mêmes principes ont certainement prévalu dans la nomination de quelques promus supposés, à tors ou à raison, membres ou proches de certaines formations politiques.
Dans l’ensemble, le Président de la Transition, s’est voulu totalement libre de toutes les contraintes sauf celles de tourner la page du passé qu’il juge sombre.
Il reste cependant à chacun de ces ministres et à toute cette équipe Gouvernementale du Premier ministre, Mohamed Béavogui de faire aussi ses preuves de rupture par des résultats tangibles d’ici à la fin de la Transition.
D’autre part, l’époussetage opéré au sein de la Grande muette avec la mise à la retraite des officiers généraux et d’un millier de militaires, le remplacement total de tous les chefs d’état majors généraux et particuliers, le grand coup de balais à la Police avec le limogeage, la mise à la retraite et l’isolement de l’ancien directeur général de la police, Ansoumane Camara Bafoé perçu, à tors ou à juste titre, comme la sanglante main répressive des mouvements de contestations de la décennie Alpha Condé, le limogeage et la mise à la retraite de l’ancien directeur des Douanes, Toumany Sangaré et d’autres figures manquantes du régime à la Police et à la Douane ainsi que le renvoi de plus de mille cadres et agents de ces 2 entités paramilitaires et le lancement de l’opération de clarification et de récupération du Patrimoine compromis ou détourné de l’État prouvent que le Colonel Doumbouya, à son rythme bien entendu, est résolu dans l’entreprise de déconstruction non seulement du régime Alpha Condé et de tous ses symboles, mais aussi de tous les dérapages qui ont porté atteinte aux intérêts et à l’honneur de l’état Guinéen. Jusqu’où ira t-il ?
En attendant de connaître la réorganisation de l’administration générale que nécessite la nouvelle structure et la composition du premier Gouvernement CNRD notamment la configuration des cabinets ministériels, le nouveau visage des directions générales et nationales des entreprises et sociétés d’état ainsi que des DAAF, surtout le lancement tant attendu des audits, les actes déjà posés ne laissent transparaître aucun doute désormais sur l’irréversible processus de guillotinement, d’exécution des mauvaises pratiques de tout le passé.
Abdoulaye Condé