Le Président Alpha Condé ne fut pas, comme l’affirment souvent certains, le Premier Président démocratiquement élu de la République de Guinée. Cette affirmation inexacte, loin s’en faut, n’est pas conforme à la réalité de l’histoire politique de notre pays.
Sans vouloir engager ici et à ce sujet une polémique ou un débat stérile dénué du reste de tout intérêt politique, idéologique et sociologique, je me bornerai pour ma part à relever que l’histoire retiendra que le champion du RPG a été l’un des Présidents de la république de Guinée, démocratiquement élu par la voie des urnes.
Mon propos, loin de réfuter ou d’occulter la réalité historique vise somme toute à esquisser le bilan d’un règne controversé, fortement secoué et perturbé de ce Président finalement atypique.
Président d’exception il le fut à la fois par son parcours et aussi par la singularité de son mode de gouvernance nourri et ancré dans un pseudo marxiste hérité des régimes communistes de l’Europe de l’est dans les années 60 – 70.
Il fut sans nul doute, de tous les présidents Guinéens, celui qui a reçu le plus d’attaques, de virulences, confronté à de nombreuses manifestations qualifiées de « sordides » par ses partisans d’une opposition et perçue comme « démocratique » par d’autres.
Toujours est-il que cette opposition ou une partie de celle-ci, au mépris de certaines règles démocratique, ne cherchait qu’à mettre un terme au mandat du Président élu qu’il était suite à une élection controversée par la modification constitutionnelle et le parfum d’un troisième mandat jugé de trop.
Son règne, plus que tout autre avant lui, fut celui des pandémies et crises sanitaires comme Ebola durant son premier mandat et la Covid-19 qui aura caractérisé son controversé troisième mandat brusquement interrompu par les forces spéciales du Colonel Mamadi Doumbouya, son inattendu successeur que nul devin ou analyste politique n’a pu prévoir.
Cependant, malgré ces crises et ce climat d’hostilité marqué par des contestations, des grèves récurrentes et autres que la Guinée ai jamais connues, l’homme a pensé tenir bon le gouvernail du navire Guinéen confronté qu’il était aux eaux tumultueuses d’une mère en furie complètement déchaînée avec des violentes tempêtes sociales.
Il a semblé, malgré tout, faire pièce à toutes ces difficiles situations et est parvenu à conduire deux mandats avant de se faire réélire pour un troisième après une modification contestée de la constitution .
Au delà de ces péripéties, qui à bien des égards, relèvent des stratégies de conquête et de l’exercice du pouvoir politique dans des démocraties africaines, e bilan du règne de l’homme d’État que l’histoire retiendra est relativement impressionnant, remarquable et surtout élogieux.
Sur le plan Diplomatique tout d’abord, le Président Alpha Condé fut l’artisan d’un retour remarqué de la République de Guinée sur la scène internationale après des années d’éclipse.
Il donna corps à son fameux slogan prononcé l’ors de son investiture en 2010 »Guinée is Back » devant un parterre de chefs d’état et de gouvernement que la Guinée avait cessé d’accueillir depuis les funérailles de AST en 1984.
Ce retour de la Guinée sur la scène internationale s’est vite concrétisée par la participation du Président et des membres du gouvernement à toutes les rencontres et forums internationaux où ils portaient avec brio, la parole de la Guinée et prenaient, lorsque cela s’avérait utile, des positions hardies, expression de nôtre volonté de contribuer à la résolution des problèmes et crises dans les espaces sous régionaux,
régionaux ou internationaux selon les circonstances.
Cette participation active de la Guinée désormais à la vie internationale, cette intensification de la présence de la Guinée auprès des partenaires bi et multilatéraux ont hissé la Guinée au rang des pays cités comme acteurs majeurs de la vie internationale.
Elle était dorénavant invitée et consultée sur toutes les questions notamment de développement et de règlement des crises à travers le monde.
Grâce à ce retour remarquable, la Guinée pour la première fois fut investie de la lourde et exaltante responsabilité de conduire la présidence de l’organisation continentale l’Union Africaine.
A ce poste, le président Guinéen donna toute la mesure de son talent de diplomate.
Cette présidence fut aussi l’occasion d’imprimer la marque de la Guinée à la construction de l’unité du continent grâce à des initiatives nouvelles et des décisions politiques courageuses dont il serait fastidieux d’énumérer et qui depuis ont donné plus de visibilité et respectabilité à cette vieille dame qu’est l’union africaine.
Au plan national et économique, cette ouverture diplomatique sans précédant depuis Sekou Toure a permis indéniablement de mieux faire connaître la République de Guinée, ses immenses potentialités et d’en faire ainsi une des meilleures destinations pour l’investissement étranger en Afrique
Des ressources financières importantes furent mobilisées auprès des institutions et des partenaires bilatéraux et multilatéraux, à des conditions favorables et investies pour valoriser les potentialités minières, agricoles etc. ainsi que les différentes opportunités économiques dans tous les secteurs notamment prioritaires de l’économie nationale.
Il s’en est suivi un véritable boom économique dans ce pays qui était frappé naguère de jachère depuis ignoré sinon boycotté par la plupart des institutions et sociétés de notoriété internationale.
Comme on le voit, la dynamique insufflée à la diplomatie, dès l’avènement du Président Alpha Condé au pouvoir, a induit une autre dynamique, celle d’un développement accéléré et multisectoriel qui a engendré une forte croissance économique en Guinée, et ce malgré les multiples crises politiques, sanitaires qui n’ont cessé d’éclater dans ce pays durant presque tout son règne
Aussi pour mener à bien les différentes responsabilités qu’il a eues à assumer et qui lui incombaient à ces différents titres le Président Condé, au grand dam de son parti, s’est entouré des cadres guinéens de grande compétence. Il a aussi puisé à l’international des experts notamment africains et même d’autres nationalités en vue de conduire plus efficacement son mandat ou ses différents mandats.
Son règne malheureusement à cause de sa dérive dictatoriale, de l’usure d’un pouvoir devenu trop personnel connaîtra de manière inattendue une fin brutale due principalement à un excès de confiance, la confiscation et une concentration excessive du pouvoir.
Un épilogue tragique et inédit dans l’histoire politique guinéenne où, pour la première fois, un chef d’État en fonction qui apparemment était bien installé sur son trône, est renversé plongeant ce pays, qui avait eu du mal à décoller, dans une ivresse et aussi devant une interrogation majeure quant à son devenir.
Si comme on le dit, le 5 septembre dernier, la Guinée a été débarrassée d’un dictateur aujourd’hui, la question qui brûle sur toutes les lèvres de tous les guinéens reste liée à la problématique de développement, et comment limiter l’onde de choc provoqué par ces événements auprès de nos partenaires depuis le 5 septembre
La réponse est dans notre capacité ou plutôt de celle du CNRD à conduire avec efficacité et rapidité la transition vers un retour à la vie constitutionnelle normale.
Il faut savoir à priori que toute transition longue serait lourde et les conséquences, à moyen et long terme sur le processus développement global, importantes pour un pays qui semble plonger dans le malheureux cycle des coups d’état militaires depuis la mort de son premier Président, Ahmed Sekou Touré en 1984.
Il est dès lors urgent et surtout impérativement utile que l’on sorte de la bulle anesthésiante engendrée par les événements du 5 septembre 2021 au plus vite pour relancer l’économie et mettre fin à l’érosion économique consécutive à ces événements.
La réalité économique interpelle en effet urgemment et impérativement le CNRD à l’action politique et économique éclairée et surtout immédiate.
De ce point de vue, les gels, les mises à la retraite massives ne semblent nullement être la thérapeutique requise par rapport aux réalités politiques, économiques et sociales de l’après 5 septembre.
Ces mesures populistes pourraient obscurcir dramatiquement l’horizon politique, social, économique immédiat et porter des dommages considérables au processus du développement socio-économique amorcé
La relance de la dynamique de développement demeure l’objectif ultime que tout gouvernement responsable doit viser à atteindre le plus rapidement possible dans un monde de compétition hardie et impitoyable.
Elhadj Djigui Camara
Ancien Ministre de la Coopération