Les palais ouest-africains crépitent de bruits des balles des hommes en treillis censés pourtant protéger l’intégrité du territoire et les institutions de la république. Ce qui s’annonce désormais comme le printemps des kakis dans des pays où finalement la démocratie annoncée s’est avérée à double voire triple vitesse mérite bien d’interroger davantage ses causes, notamment dans le Sahel où les États se battent désormais pour la survie, contre des hordes de terroristes sans foi ni loi. Ainsi donc les armes en passe de remplacer dorénavant les bulletins de vote ?
L’analyse la plus paresseuse consisterait à conclure des rapports entre l’Armée et le Pouvoir politique à un « face to face » entre chefs militaires et gouvernants civils. Dans cette perspective, l’on se bornerait qu’à personnaliser les enjeux et à réduire la portée du problème à la seule question de la suprématie formelle des représentants politiques sur les sommets de la hiérarchie militaire. Or, c’est la capacité des premiers à prendre des décisions et les éventuels conflits qui les opposent aux représentants des forces armées qui devait retenir davantage l’attention.
Les limites de cette approche sont nombreuses, si on peut montrer du doigt les pouvoirs civiles dans la déliquescence de l’Etat et l’échec ou le succès relatif dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et ailleurs contre l’insécurité et le grand banditisme en général, il n’en demeure pas moins de considérer que les hommes en uniforme (forces de l’ordre et de sécurité et militaires) ont tout aussi leur part de responsabilité. Le fait qu’une décision soit formellement adoptée ou posée par les dirigeants civils et présentée comme telle, n’exclut cependant pas une influence probante de la part des militaires. Sur les questions d’ordre militaire par exemple, des régimes civils ne peuvent s’aventurer à prendre des décisions sans impliquer la hiérarchie militaire, en tout cas ce qui convient d’être opéré. En pareil cas, on ne peut donc tenir pour seuls responsables les dirigeants civils dans l’échec de la lutte contre le terrorisme par exemple au Burkina, au Mali et au Niger ou dans la lutte contre la criminalité et le grand banditisme en Guinée.
La bonne démarche pour mieux appréhender les rapports entre armée et pouvoir politique suppose plutôt que l’on s’interroge sur le « pouvoir » militaire à l’égard des autres acteurs sociopolitiques. La notion de pouvoir a suscité et continue de susciter beaucoup de réflexions. Le déficit d’une culture d’administration militaire héritée du système colonial fait que les hommes en uniforme ont du mal à cerner les principes de la République.
Nous sommes dans un contexte géopolitique très mouvementé où les jeunes africains veulent se débarrasser de la politique néocoloniale, dictée par la France aux chefs d’Etat subsahariens. Au Sénégal, Ousmane Sonko joue cette carte politique, contrairement au Burkina Faso, le Mali et le Niger où l’approche militaire a été déployée. La démarche militaire qui semble être plus tranchante ne risquerait-elle pas de mettre en mal et profondément les relations économiques, militaires, diplomatiques ?
Mais la recherche des matières premières et le repositionnement du continent africain agissent en sa faveur. Diversifier les partenaires pour une Afrique qui se bouge et qui s’interroge n’est pas un mal en soi. Ce qui serait mauvais, c’est de quitter un maitre pour se livrer mains et pieds liés à un autre.
Le monde occidental joue sa carte. Elle a posé et commis trop d’erreurs. La guerre en Libye et la gestion de la crise ivoirienne ont provoqué une certaine colère notamment dans l’opinion de la jeunesse africaine. Le sentiment anti-français n’existe pas. C’est une manière d’occulter les vrais problèmes. Les africains ont commencé à demander aux gouvernements français de faire le compte de leur présence en Afrique depuis belles lurettes. Malheureusement, l’Elysée ne s’est jamais prêté à cet exercice visant à faire le bilan de sa présence en Afrique avec son lot de misère, de terrorisme programmé comme un logiciel pour pouvoir continuer à justifier sa présence sur le continent.
Les cas malien, nigérien et Burkinabè sont les effets d’une prise de conscience du rapport belliqueux et paternaliste de la France en Afrique. Honnêtement parlant, quel est le bilan de la présence de cette puissance coloniale dans les pays suscités ? La France a une base militaire depuis des années dans ces pays. Mais, très malheureusement, ces pays vivent d’une insécurité qui semble se déployer comme par enchantement. Quand des chefs d’État africains doivent être des gouverneurs à la solde d’une puissance, peut-on parler de liberté démocratique des peuples ?
Les jeunes générations se réveillent. Les classes dirigeantes doivent agir positivement pour bien gérer nos pays ; les opposants doivent savoir promouvoir la République dans l’esprit civique et citoyen dans la construction de notre République. L’armée doit agir pour défendre, conformément à nos constitutions la défense et la sécurité du pays et des citoyens. Il faut trouver une meilleure politique pour gérer nos pays, avec des choix stratégiques dans un monde qui change.
Par ailleurs, l’inculture des hommes politiques constitue un véritable problème. Nos acteurs politiques sont tous saufs des démocrates, aucune alternative. Dans les formations politiques, on loge à leur tête des roitelets qui n’ont aucune culture démocratique. Même élus après une élection, la gestion du pays retombe au plus bas niveau.
A mon humble avis, c’est le manque notoire de véritable démocratie, c’est-à-dire, le déficit de construction citoyenne, civique et républicaine au sein des formations politiques, qui pousse souvent des politiciens à s’inscrire dans l’extrémisme ou le rejet de l’autre dans la conquête du pouvoir ou pendant la gestion du pouvoir.
Pourtant, autrefois, le berceau de l’humanité a eu des formes d’organisation très efficaces. Des grands États sont nés en Afrique. Ns modèles d’organisation n’avaient rien à envier. Nos cités étaient aménagées dans la concorde et l’acceptation de l’autre. La justice et la cohésion sociale, l’équité, l’amour et l’hospitalité étaient les valeurs qui gouvernaient nos cités. Oui, dans l’Afrique ancienne, le respect de la différence était de mise ; il était sacré.
Opposé à la démocratie à deux balles dans laquelle la différence fait peur, le déficit de construction citoyenne, civique et républicaine est devenu une menace pour la cohésion et la paix sociale. Les politiciens n’ont plus d’arguments sauf passer par l’instrumentalisation de l’ethnie pour des fins politiques. Si ce n’est pour prendre fait et cause pour leurs tribus ou communautés dans les débats, c’est pour se victimiser. On dirait que la victimisation ou la parenté est un programme politique.
Il faut que les leaders politiques changent leurs approches de gestion de nos pays, revoient leurs façons de conquérir le pouvoir. Toute la menace vient de là. Souvent, ce sont les politiciens, eux-mêmes, qui incitent les militaires à prendre le pouvoir. Sans risque d’être démenti, les pouvoirs militaires et civils en Afrique ont été, dans leur majorité, des échecs.
La colonisation a été faite contre nous. Le SDN a été créée sans nous, l’ONU aussi. On nous infantilise et on applaudit. Cela doit changer. Le nouvel ordre mondial doit se faire en tenant compte des intérêts du continent africain, avec des dirigeants réfléchis et patriotes, qui connaissant les enjeux du monde.
Loin de moi l’idée de faire l’apologie des coups d’États civils ou militaires, chacun doit faire sa mue pour une Afrique qui, enfin, pose les vrais débats sur la ligne politique et géopolitique à suivre dans des fédérations fortes et puissantes.
Soninké DIANE
Consultant Formateur