L’un des motifs qui justifient la dissolution du FNDC est » l’utilisation de mineurs dans les manifestations « . N’était-il pas plus approprié de parler plutôt de « participation de mineurs aux manifestations ». Il faut admettre qu’il existe une grande différence entre « l’utilisation de mineurs » et « la participation de mineurs aux manifestations ». Les pouvoirs publics ne peuvent ignorer cette différence. C’est peut-être pour cette raison qu’ils ont préféré le terme « utilisation ». Pour dissoudre le FNDC, il fallait lui imputer des faits précis, des actions, un acte positif, et non une abstention ou une omission, comme le diraient les pénalistes; que ces actes soient avérés non. L’expression « utilisation de mineurs… » convenait mieux dans cette optique.
« Utiliser », c’est « se servir de « , « user de » » employer « , » faire usage de ». L’un des moyens les plus simples et les efficaces d’incriminer, de discréditer le FNDC et en fin de compte de motiver sa dissolution était donc de l’accuser en particulier d’utiliser des mineurs dans les manifestations. Mais « utiliser les mineurs dans les manifestations » signifie que des massages clairs et précis leur ont été directement adressés par des moyens précis afin de les inciter ou de les motiver à participer aux manifestations. Personne ne peut rapporter la preuve d’une telle démarche. Si on jette par exemple sur ce qui se passe dans les zones où il y a des rébellions armées, on assiste à un véritable phénomène d’enfants- soldats. Des enfants sont enrôlés, armés et reçoivent un entraînement sommaire. Ils prennent une part active à des affrontements armés; ils tuent ou se font tuer. Dans ce sens, on peut bien parler d’une utilisation de mineurs ou d’enfants.
La réalité, en Guinée, est que les « mineurs » ou certains d’entre eux, profitent d’appels à manifester pour se mettre spontanément dans la rue. Que ces manifestations soient organisées par le FNDC ou pas. Certaines sont d’ailleurs spontanées parfois. Bien avant la création du FNDC, l’on a constaté la présence de mineurs dans plusieurs manifestations sur la voie publique. Et cela ne date même pas des dix dernières années. C’est donc plus une « participation des mineurs aux manifestations » qu’une » utilisation des mineurs dans les manifestations. »
Mais dans l’une ou l’autre hypothèse, rien ne peut justifier la répression sanglante qui s’abat sur eux à l’occasion des manifestations. Il est vrai que celles-ci se traduisent parfois par des actes de vandalisme, d’atteintes à l’intégrité physique des personnes et à leurs biens. N’est-ce pas l’une des missions régaliennes de l’État de faire face à ce type de situations ? Pourquoi des moyens sont mis à la disposition des forces de sécurité, si ce n’est pour assurer la protection de la sécurité des personnes et de leurs biens ?
Si la question de la présence des mineurs dans les manifestations se pose d’ailleurs aujourd’hui, c’est en raison des violences. Cependant, au lieu de mettre l’accent sur cet aspect de la question, il faut plutôt s’interroger sur les raisons des morts par balles dans les manifestations. N’y a-t-il pas d’autres moyens de maintenir l’ordre public sans recourir systématiquement aux armes létales ?
Et si on réfléchissait sur les notions le légalité, de nécessité et de proportionnalité dans les opérations de maintien en leur donnant du sens ?
Le discours officiel et certaines positions dans les médias tendent à criminaliser les manifestations. Mais, c’est incontestablement le fait de tuer un manifestant qui constitue un crime. Aucune communication, qu’elle soit institutionnelle ou non, ne peut effacer cette réalité.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier