« Mettre à profit le potentiel de la mobilité humaine » fut le thème de la Journée internationale des migrants le 18 décembre 2021, un thème positif avec un défi à relever qui reste entier et en présence de diverses approches oscillant entre répression drastique et gestion rationnelle. Cependant, tout porte à croire que le phénomène migratoire sera l’enjeu majeur du vingt et unième siècle. Nous allons brièvement circonscrire les contours du phénomène migratoire, souligner l’enjeu « droits humains » qui le sous-tend et terminer par le cas spécifique guinéen.
Quels sont les contours du phénomène migratoire ?
Les conflits armés asymétriques, le recul de la gouvernance démocratique, les difficultés économiques et les changements climatiques sont de plus en plus prégnants dans le monde et ne sont pas sur le point de terminer. Tous les pays sont devenus à la fois des pays de départ, de transit et de destination. Au cœur du phénomène migratoire, se trouve le migrant. L’Organisation Internationale des Migrations (OIM), l’institution des Nations Unies en charge de la question, définit le migrant comme « toute personne qui quitte son lieu de résidence habituelle pour s’établir à titre temporaire ou permanent et pour diverses raisons, soit dans une autre région à l’intérieur d’un même pays, soit dans un autre pays, franchissant ainsi une frontière internationale. » En raison des enjeux d’ordre social, politique et économique que représente la migration, les États adoptent des approches diverses pour sa gestion. Assez souvent, ces approches ont pour tendance à freiner le phénomène migratoire, une tendance qui porte atteinte aux droits des principaux intéressés que sont les migrants.
Les droits des migrants, des droits humains à part entière
Les migrants, une fois dans le processus migratoire, font face à d’énormes difficultés qui touchent à leurs droits et en constituent des violations manifestes, du pays d’origine au pays de destination via le pays de transit. S’agissant du pays d’origine, très souvent, les difficultés économiques et d’ordre politique du potentiel migrant viennent de la non réalisation de leurs droits économiques et de la violation de leurs droits politiques. Dans les pays de transit, les conditions d’accès, de séjour et de sortie sont autant d’occasions de violations des droits des migrants tant directement par les autorités étatiques qu’indirectement par des réseaux de trafiquants qui sévissent sur les routes migratoires. Les pays de destinations n’offrent pas non plus de répit au migrant, en situation d’extrême vulnérabilité. L’accès à un statut permettant de jouir à des conditions permettant un niveau de vie suffisant est souvent long et semé d’embuches. C’est pour toutes ses raisons que les normes, institutions et mécanismes internationaux insistent sur une approche basée sur les droits humains dans les plans, politiques et programmes de gestion du phénomène migratoire. Le Pacte Mondial sur les Migrations sûres, ordonnées et régulières, dit Pacte de Marrakech, du 10 décembre 2018 abonde dans ce sens. A cet effet, le dit Pacte souligne qu’il est « fondé sur le droit international des droits de l’homme et respecte les principes de non-régression et de non-discrimination. En appliquant le Pacte mondial, nous veillons au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’homme de tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire, à tous les stades de la migration. »
La Guinée, un pays au cœur du débat migratoire
Par tradition, la Guinée a toujours été au cœur du débat migratoire. Elle est à la fois terre de migration et d’émigration, à l’instar de plusieurs pays. En raison des violations des droits de l’homme et de la dictature du premier régime, plusieurs guinéens ont pris le chemin de l’exil tant dans les pays de la sous-région qu’ailleurs dans le monde pour sauver leur vie et à la recherche d’un mieux-être. Cette tendance a certes continué de manière résiduelle de nos jours. Cependant, force est de reconnaître que ces dernières années, la migration des guinéens a pris une allure économique ; ce sont des jeunes qui fuient la pauvreté et l’absence d’opportunités qui prennent le tortueux et dangereux chemin des routes migratoires. On a encore en souvenir l’histoire de Fodé et Yaguine et leur émouvante lettre rappelant les motifs de leur voyage sans retour dans les soutes de l’avion, motifs purement d’ordre économique. Il est possible d’inverser cette tendance en offrant de réelles opportunités à cette jeunesse guinéenne – l’ultime richesse du pays – en termes de formation de qualité, d’emploi et d’auto-entrepreneuriat.
En somme, dans le cadre d’appréhension du phénomène migratoire dans le monde, il y a une nécessité d’adopter une gestion efficace, concertée et fondée sur la protection des droits des migrants.
Conakry, le 17 janvier 2022
-Juris Guineensis No 21.
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour