Dans le dossier ukrainien, plusieurs voix critiques se font entendre sur la position alarmiste et parfois déstabilisante des États-Unis, qui ont décidé l’évacuation de leur personnel diplomatique de Kiev, alors que la situation sécuritaire en Ukraine ne l’exige pas encore.
Le mardi 25 janvier au soir, un avion-cargo américain a atterri à Kiev, livrant à l’armée ukrainienne plusieurs dizaines de missiles antichars de type Javelin. Dans ce contexte, les Européens, et notoirement la France, essaient de se frayer une place dans le processus de désescalade entre Américains et Russes, et Emmanuel Macron va tenter de réengager le dialogue avec Vladimir Poutine et de réamorcer les négociations dans le cadre du « format Normandie », écrit notre correspondant à Kiev, Stéphane Siohan
Mardi également, lors d’une conférence de presse commune à Berlin avec le chancelier allemand Olaf Scholz, Emmanuel Macron a annoncé qu’il aurait une conversation téléphonique le vendredi 28 janvier avec le président russe Vladimir Poutine. « S’il devait y avoir une agression de la Russie sur l’Ukraine, la riposte sera là, et le coût très élevé », a ainsi déclaré le président français.
Irritation des diplomaties européennes
En réalité, la diplomatie française et ses homologues européennes s’irritent en privé des manœuvres américaines en Ukraine. À Paris et dans d’autres chancelleries, on digère assez difficilement la décision jugée prématurée des Américains, des Britanniques et des Australiens d’évacuer leur personnel diplomatique de Kiev, alors que la mobilisation préventive de 8 500 soldats américains peut encore mettre de l’huile sur le feu, avant un nouveau rendez-vous crucial, vendredi, à Genève, lors duquel les États-Unis doivent apporter des réponses écrites aux demandes sécuritaires russes.
Dans ce contexte, Paris et Berlin jouent la carte de la relance du processus de Minsk II. Cette semaine, les conseillers présidentiels ukrainien, russe, français et allemand se retrouveront après plusieurs mois de blocage complet. Toutefois, les enjeux du moment ne sont plus seulement le règlement du conflit du Donbass, où par ailleurs la situation est très calme, mais éviter un dérapage diplomatique majeur et le risque d’une guerre conventionnelle entre deux États.
Du côté de Moscou, on a du mal à prendre les Européens au sérieux
Sur le site internet d’une chaîne de télévision indépendante, on analyse ainsi l’initiative franco-allemande comme le signe d’une division publique entre les membres de l’Otan. Même du côté officiel, le commentaire du porte-parole du Kremlin tient en quelques mots : « Attendons de voir la réunion », relate notre correspondante à Moscou, Anissa El Jabri.
C’est une réaction sans surprises tant la Russie a bien du mal à voir dans les Européens des interlocuteurs sérieux et le fait souvent savoir. L’interlocuteur qui intéresse vraiment le Kremlin, ce sont les États-Unis. C’est même tout simplement un des enjeux de cette crise : Vladimir Poutine cherche aussi pour son pays un statut reconnu de grande puissance.
Les Russes, eux, n’ont pas du tout la tête dans un conflit : les médias, surtout d’État peuvent bien évoquer sans cesse le sujet, ils sont seulement 39% à croire à une guerre prochaine dans la dernière enquête d’opinion.
rfi.fr