Pas de baisse de la tension dans l’est de l’Ukraine. Au contraire, selon l’OSCE, les violations du cessez-le-feu ont connu ces dernières heures une « augmentation spectaculaire ». Ce samedi matin, les chefs séparatistes pro-russes des régions de Donetsk et Lougansk proclament la « mobilisation générale » et Kiev annonce que deux de ses soldats, dont un officier, ont été tués.
Les forces ukrainiennes et les séparatistes pro-russes continuent de s’accuser des violations graves du cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine. Des tirs qui ont fait au moins deux morts et quatre blessés hospitalisés, a indiqué l’armée ukrainienne dans un communiqué, dont un officier tué par un éclat d’obus près de la frontière russe.
Kiev accuse les rebelles d’avoir violé la trêve au moins 70 fois tout récemment. Ils tireraient des obus de mortier depuis des positions à proximité de bâtiments habités, dans le but de provoquer des ripostes et de blâmer ensuite l’Ukraine de bombarder des civils.
Des obus de mortier ont même explosé près du ministre ukrainien de l’Intérieur Denys Monastyrsky, a-t-on appris ce jour, alors que ce dernier effectuait un déplacement sur la ligne de front. L’incident, qui n’a pas fait de blessé, s’est produit près du village de Novolouganské, dans une zone où plusieurs responsables ukrainiens se sont rendus récemment.
Les forces armées ukrainiennes affirment cependant, dans un communiqué, qu’elles « poursuivent leur mission de repousser l’agression armée de la Russie ».
Zelensky est à la Conférence de Munich
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a maintenu sa participation à la conférence sur la sécurité à Munich. La situation dans l’Est du pays « reste pleinement sous contrôle », selon la présidence ukrainienne, ajoutant que les plans de M. Zelensky n’avaient pas changé.
Vendredi soir, le président Biden, dans une conférence de presse consacrée à la situation en Ukraine, avait prévenu son homologue ukrainien qu’un déplacement à l’étranger pourrait ne pas constituer « l’option la plus sage ».
Qu’à cela ne tienne, son homologue ukrainien a prévu de rencontrer en Allemagne le Premier ministre britannique Boris Johnson, le chancelier allemand Olaf Scholz et la vice-présidente américaine Kamala Harris, selon la présidence.
Depuis Munich, donc, Volodymyr Zelensky a d’ores et déjà pris la parole ce samedi, demandant aux Occidentaux un « calendrier clair et réalisable » en vue de l’adhésion de son pays à l’Otan. Il souhaiterait que l’Occident soutienne l’Ukraine « et ses capacités de défense », son pays constituant à ses yeux « le bouclier de l’Europe ».
Et de proposer tout de même à Vladimir Poutine de se voir : « Je ne sais pas ce que le président russe veut, voilà pourquoi je propose qu’on se rencontre. »
Mobilisation générale à Donetsk et Lougansk
Plus tôt ce samedi, les dirigeants des républiques séparatistes pro-russes de Donetsk et de Lougansk, en guerre contre l’Ukraine, ont proclamé la « mobilisation générale ».
« J’appelle mes concitoyens réservistes à se présenter aux bureaux de conscription militaire. Aujourd’hui, j’ai signé le décret de mobilisation générale », a annoncé l’un d’eux, Denis Pouchiline, dans une déclaration vidéo.
Il a été suivi de quelques minutes par le chef séparatiste de la région de Lougansk. « Je décrète la mobilisation générale sur le territoire de la République populaire de Lougansk », proclame le décret signé par Léonid Passetchnik.
Inquiétude de l’OSCE
Ces nouvelles annonces interviennent au moment où les observateurs de l’OSCE font état d’une « augmentation spectaculaire » de la violence sur la ligne de front entre l’armée ukrainienne et les séparatistes soutenus par la Russie.
Depuis trois jours, des centaines de tirs de mortier et d’artillerie ont été échangés entre l’armée ukrainienne et les séparatistes dans le Donbass. Selon les observateurs de l’OSCE, le nombre d’incidents armés sur la ligne de front est désormais identique à celui d’avant juillet 2020, date à laquelle avait été conclu un accord pour renforcer le cessez-le-feu.
L’OSCE, qui tient un décompte précis de toutes les escarmouches entre parties prenantes au conflit, « appelle les parties à adhérer strictement à tous les engagements qu’elles ont pris, à prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les tensions et à travailler à une désescalade immédiate pour les biens des civils innocents des deux côtés de la ligne de front, qui continuent à souffrir à cause de ce conflit », dans un communiqué.
Organisation internationale dont font partie la Russie et les États-Unis, l’OSCE a déployé une mission d’observation en Ukraine en 2014, après l’annexion de la Crimée par Moscou et le début du conflit entre Kiev et les séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine. Ce conflit a fait plus de 14 000 morts.
Évacuation des populations civiles
Pendant ce temps, les évacuations continuent, mais samedi matin, seules 7 000 habitants sur 700 000 avaient quitté leurs maisons. Les dirigeants séparatistes de Donetsk et de Lougansk ont entrepris une évacuation des civils vers la Russie.
Ils ont donc annoncé cette évacuation vendredi sur la messagerie Telegram, mais la date de ces vidéos interroge : l’analyse des métadonnées de ces vidéos montrent qu’elles ont été enregistrées le 16, soit avant le début des prétendues provocations ukrainiennes.
Pour sa part, le président russe a ordonné le versement de 10 000 roubles (environ 114 euros) à chaque personne partant de ces zones. Les chaînes de télévision russes montraient des images d’évacuations d’enfants rassemblés dans la cour de leur orphelinat.
Manœuvres russes supervisées par Poutine
L’inquiétude est d’autant plus vive ce samedi que les forces stratégiques russes procèdent à des manœuvres militaires importantes, comprenant des essais de missiles balistiques et de croisière capables de porter des charges nucléaires.
Vladimir Poutine, accompagné de son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko, supervise personnellement ces exercices. La télévision publique russe a diffusé des images des deux présidents écoutant depuis une salle de crise les rapports des généraux par visioconférence.
Vladimir Poutine assiste très souvent aux exercices d’envergure des forces russes, il n’y a donc là rien d’exceptionnel, rappelle notre correspondant à Moscou, Jean-Didier Revoin. En revanche, le contexte est particulier : selon le ministère de la Défense russe, ces manœuvres visent à tester l’état de préparation des forces impliquées et la fiabilité des armes stratégiques nucléaires et non nucléaires.
Peut-on soupçonner la Russie d’utiliser ce prétexte pour attaquer ? En tout cas, la Russie s’en défend. Selon le porte-parole du Kremlin, il s’agit d’un entraînement régulier qui a été précédé de notifications faites à divers pays à travers des canaux multiples.
Malgré ces propos rassurants, l’inquiétude demeure au vu des troupes mobilisées. Il s’agit en effet de contingents entourant l’Ukraine, des forces du district militaire Sud, des forces aérospatiales, des forces stratégiques et des flottes du Nord et de la mer Noire.
rfi.fr